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Le canal du Nivernais

Les premiers projets sont établis par un architecte de Clamecy, Charles Bossut, qui propose de canaliser l’Aron et le ruisseau de Baye, de Cercy-la-Tour à la ligne de partage des eaux, et d’établir une rigole de flottage en partie souterraine, entre la Collancelle et la rivière d’Yonne, au lieu-dit La Chaise. Les travaux débutent en 1784 sous la direction du maître des eaux et forêts d’Auxerre, Ménassier, et de Bossut. Une carrière de pierre est ouverte à Crux-la-Ville et un pavillon est construit à Baye pour loger les ingénieurs. Six écluses (Bazolles, Chavance, Marré, Orgue, Mingot et Châtillon) sont mises en chantier en 1785 et le percement du tunnel de La Collancelle est amorcé. Les digues des étangs de Vaux et de Baye sont surélevées pour augmenter leur capacité.
Le projet est cependant revu en 1786 à la suite de la visite de chantier d’une commission, dont fait partie le marquis de Condorcet. Son rapport précise en effet « qu’il y a intérêt à ne pas se contenter d’un canal de flottage mais de faire un canal de navigation qui se peut continuer jusqu’à Cravant, lieu où l’Yonne est navigable » . En 1790, certains ouvrages sont en théorie terminés d’après le rapport de l’ingénieur ordinaire Aimable Hageau, nommé ingénieur en second du canal du Nivernais en 1786.
Ralentis à partir de 1791, puis interrompus en 1794, les travaux reprennent en 1807. Napoléon Ier relance en effet les grands chantiers abandonnés à la chute de la monarchie. Ils sont menés selon les directives de 1784, mais sous la direction du même Hageau, devenu ingénieur en chef du canal. Les efforts sont concentrés sur le percement de la montagne de la Collancelle . Les caisses de l’Etat n’en demeurent pas moins vides et la construction est de nouveau interrompue en 1812. Dans l’attente de jours meilleurs, les maisons élevées pour le personnel du canal sont louées, comme nous l’apprend une lettre du directeur de l’Enregistrement et des Domaines adressée au préfet de la Nièvre, le 19 décembre 1815 :
« 19 petites habitations situées sur la butte de La Collancelle qui ont été construites pour servir de logement aux ouvriers employés aux réparations de ce canal et qui, d’après le rapport, sont à présent habitées, en partie, par ces ouvriers et par d’autres personnes sans titre. L’on vous propose de les faire louer au profit du gouvernement pendant l’intervalle de la Cessation des réparations du canal. »

Les grands travaux, 1822-1841
Il faut attendre les lois du 5 août 1821 et du 14 août 1822 pour que la reprise soit effective. C’est à travers elles que Louis Becquey, nouveau directeur général des Ponts et Chaussées, met en place un système de financement par emprunt des canaux français. Les prêteurs deviennent concessionnaires du canal pour un bail de 50 à 99 ans, mais l’État reste maître d’ouvrage. La construction du canal du Nivernais est donc financée à raison de 8 millions de francs par une compagnie constituée de messieurs Cottiers, Lafitte et Perrier . Plusieurs années de manque d’entretien expliquent les dégradations subies par les ouvrages réalisés à la fin de l’Ancien Régime. En 1823, les ingénieurs des Ponts et Chaussées dressent un constat peu optimiste :
« L’ancien canal, entre l’étang de Baye et l’Aron à Châtillon, a une longueur de 15 528,32 mètres. […] Depuis la suspension des travaux, le fond du canal s’est partout exhaussé, et en quelques endroits, il a été creusé par les eaux ; les talus intérieurs et extérieurs se sont dégradés et déformés ; des brèches se sont faites dans les digues ; les chemins de halage ne sont plus de niveau dans chaque bief. […] Le nombre des écluses du vieux canal avait été fixé à quatorze. Onze de ces écluses sont commencées. […] Aucune ne pourrait servir dans l’état où elle se trouve » .

Tous les travaux de construction et de reconstruction du canal sont approuvés par le Conseil général des Ponts et Chaussées en 1825. Mais dans la majorité des cas, ils ne sont adjugés aux entrepreneurs locaux qu’une dizaine d’années plus tard. Par exemple, la construction du tronçon entre Châtillon-en-Bazois et Decize est approuvée en 1825, mais les travaux d’art (écluse, pont, maison, aqueduc, etc.) sur la partie Cercy-la-Tour/Bernay ne sont adjugés au sieur Camus qu’en 18349. Le canal, finalement construit, est inauguré le 15 mars 1841. L’alimentation au point de partage restant déficiente, il faut attendre 1843 pour que les travaux de la rigole d’Yonne soient achevés.
Les derniers aménagements et le développement du tourisme, fin 19e – 20e siècle
En raison de la concurrence du charbon pour le chauffage, le flottage des bois est supprimé à la fin des années 1870. Par ailleurs, l’extension du réseau ferré provoque une décroissance continue du trafic sur le canal : la ligne Auxerre-Clamecy est ainsi mise en service le 4 juillet 1870 . La voie d’eau nivernaise n’est donc pas passée en totalité au gabarit Freycinet, comme la partie joignant Cercy-la-Tour à Sardy-lès-Epiry. Elle est entièrement ouverte à la navigation permanente le 1er juin 1881 : le système des éclusées, permettant le transport des flots de bûches, est supprimé. En raison de cet arrêt, l’embranchement de Vermenton est créé afin de conduire les bois flottés de la Cure.

Cure à droite l’embranchement de Vermenton séparé par une digue. Le pont d’Accolay enjambe les deux voies d’eau en arrière plan.
Entre la mise partielle au gabarit Freycinet et la construction de l’embranchement de Vermenton, les années 1880 sont riches en travaux sur le canal. Le dernier grand bouleversement a lieu à Clamecy, au début du 20ème siècle, avec le comblement du canal dans la traversée de la ville et sa déviation dans l’Yonne.

Clamecy, vue du site d’écluse et de la gare des Jeux. Vers 1940. Diapositive monochrome sur verre. Coll. Combier – musée Nicéphore Niépce – Chalon sur Saône – inv. n° 1975.19.58079.112
En 1930, les ingénieurs des Ponts et Chaussées dressèrent un plan du canal en vue de la mise au gabarit de la péniche normale de 300 tonnes11. La grande majorité des écluses et des ponts devaient être reconstruites afin de rendre le canal du Nivernais plus accessible à la navigation commerciale. Certains souterrains étaient aussi prévus au niveau de Châtillon-en-Bazois et à Mailly-le-Château : ces ouvrages auraient permis aux bateaux de traverser plus rapidement ces communes. Le canal n’étant pas jugé assez rentable, ce plan, très instructif pour l’historien, est cependant resté à l’état de projet.
Petit à petit, le canal du Nivernais sombre dans le silence et l’oubli. Le trafic se réduit jusqu’à devenir inexistant sur certaines parties. Les écluses s’envasent, tandis que les voûtes de La Collancelle se parent de végétaux romantiques. Il faut attendre 1972 pour que le canal sorte de l’agonie : le conseil général de la Nièvre prend en concession la portion Cercy-la-Tour/Sardy-lès-Epiry, qui était déclassée par l’État. Les infrastructures sont alors reprises spécialement pour faire passer des bateaux de plaisance. Voies navigables de France (VNF), nouvel établissement public créé en 1992, lance une campagne de travaux sur la partie non concédée, clairement en mauvais état, afin d’obtenir une homogénéité sur l’ensemble de la voie d’eau.
Aujourd’hui, le canal du Nivernais est un réseau à petit gabarit entièrement tourné vers le tourisme. Il a la particularité de pouvoir compter sur une grande présence humaine : les écluses non automatisées nécessitent du personnel, très apprécié des touristes. Si ses infrastructures techniques sont gérées par VNF, les aspects touchant au développement touristique sont pris en compte par un syndicat mixte (Syndicat Mixte d’Équipement Touristique du Canal du Nivernais), composé de représentants des communes riveraines dans la Nièvre et dans l’Yonne. Haltes fluviales, loueurs de bateaux, pistes cyclables et respect de l’environnement viennent transformer une fois de plus l’image de la voie d’eau.